Les trois voies de réalisation
6 Avril 9h33
Cela fait un moment que je souhaitais poser quelques mots sur ce sujet, une lecture de thème hier a conduit mon ressenti en ce sens …
Les pièges des trois voies de réalisation
Une méditation poétique sur les détours de la quête intérieure
Il est des sentiers que foulent les âmes en quête de l’essentiel,
des voies tracées dans l’invisible,
où l’esprit cherche l’union, le cœur la paix, et l’être sa lumière.
Elles sont trois :
la voie de la compassion,
la voie de la connaissance,
la voie de la dévotion.
Mais chaque chemin, aussi pur soit-il, abrite dans son ombre un piège subtil.
La voie de la compassion,
si noble, si vaste, si ardente de tendresse pour le monde,
peut, dans son élan, oublier le cœur même de sa source : soi.
À force de vouloir panser les plaies de l’autre,
on tait parfois les siennes,
et dans ce silence,
naît un déni de sa propre sensibilité.
On croit aimer,
mais on fuit ;
On croit s’ouvrir,
mais on contrôle.
Or, l’amour véritable n’irradie pas vers l’extérieur
sans avoir d’abord épousé chaque battement de notre propre cœur.
Ce n’est qu’en buvant à la source de notre douleur et de notre joie
que l’amour devient rivière, puis océan.
La voie de la connaissance,
elle, brille d’un éclat d’intelligence,
cette flamme que porte l’esprit avide de comprendre,
de nommer l’ineffable,
de disséquer le mystère jusqu’à l’ultime particule.
Mais elle peut devenir un labyrinthe,
où l’on pactise, comme Faust, avec les puissances de l’abstraction,
au détriment de la chair de l’instant.
Savoir sans vivre,
c’est goûter un fruit sans jamais le porter à la bouche.
Dans cette quête, le piège est de croire que nommer l’expérience suffit à l’habiter.
Or la sagesse ne réside pas dans l’accumulation de vérités,
mais dans l’infusion du vécu au plus intime des cellules.
Ce n’est qu’en dansant avec la poussière du quotidien
que la lumière trouve son incarnation la plus pleine.
La voie de la dévotion,
telle une offrande,
invite à l’abandon,
à la confiance,
à la dissolution du moi dans le Tout.
Mais son ombre guette,
là où la foi devient aveuglement,
où l’on remet son être entre les mains d’un autre,
où l’on croit qu’un maître, un guide, un sauveur
portera pour nous le poids de l’incarnation.
Mais l’identité n’est pas à renier —
elle est ce manteau que l’âme revêt pour danser dans le monde,
non pas dans l’illusion d’être quelque chose,
mais dans la clarté d’avoir vu à travers le voile,
et de jouer pleinement son rôle,
à la fois totalement impliqué et infiniment détaché.
Se dévouer, oui,
mais sans abdiquer le trône de sa propre souveraineté.
Et puis, en silence, un piège plus vaste encore s’étend sous chacun de ces pas :
celui de vouloir obtenir.
Faire pour recevoir.
Aimer pour être aimé.
Donner pour gagner.
Prier pour être sauvé.
Connaître pour dominer.
Méditer pour s’élever.
Le plus grand leurre n’est-il pas là ?
Car tout ce qui est vrai ne se conquiert pas — il se dévoile.
Et ce dévoilement ne répond ni à nos attentes, ni à nos échéances.
Il a le rythme de l’univers,
le tempo du mystère,
la lenteur sacrée du bourgeon qui éclot,
non quand on le force,
mais quand il est prêt.
Là où l’on cesse de chercher,
commence la révélation.
Là où l’on cesse de vouloir,
naît la paix.
Là où l’on s’abandonne à la vie,
elle devient présence, souffle, offrande.
Doux dimanche à tous,
dans cette lumière qui ne demande rien,
et offre tout.
Ely